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DROIT DU PATRIMOINE – Successions et abus de faiblesse

Décision de la Cour de Cassation du 16 décembre 2014, pourvoi n°13-86.620

Une femme est poursuivie pour avoir frauduleusement abusé de la situation de faiblesse d’une personne en obtenant d’elle notamment des liquidités. Elle est aussi poursuivie pour avoir changé le nom du bénéficiaire des contrats d’assurance-vie de la personne et  rédiger à son profit un testament olographe l’instituant légataire universelle.

Sa culpabilité n’est pas retenue par le tribunal correctionnel. l’Institut Pasteur, partie civile, interjette appel de ce jugement et la prévenue est reconnue coupable d’abus de faiblesse. L’affaire est soumise une première fois à la Cour de cassation en juin 2012 qui renvoie le dossier  devant la Cour d’appel de Paris.

La Cour d’appel de Paris, déboute l’Institut Pasteur, considérant que si la victime présentait des déficiences physiques caractérisant un état de particulière vulnérabilité susceptible de la placer dans une situation de faiblesse au moment des faits, ces  » libéralités (….) peuvent caractériser un potentiel abus de faiblesse (…) , à condition toutefois que les transferts financiers aient été gravement préjudiciables à la testatrice. La cour considère que ce n’est pas le cas puisque toutes les modifications étaient révocables à tout moment par la souscriptrice , ( elles) constituent en effet un acte de disposition post mortem et sont donc insusceptibles de lui être préjudiciables ».

L’Institut Pasteur forme un pourvoi contre cette seconde décision.  La question posée à la Cour de Cassation était donc de savoir si le fait pour le testateur, en état de vulnérabilité, de disposer de ses biens au profit de la personne l’y ayant poussé, pouvait constituer un acte particulièrement grave justifiant un droit à indemnisation. La Cour de Cassation y répond sans détour au visa des articles 223-15-2 du code pénal et de l’article 1382 du Code Civil.

Sa chambre criminelle  énonce que « constitue un acte gravement préjudiciable ouvrant droit à réparation le fait pour une personne vulnérables de disposer de ses biens par testament en faveur de la personne l’ayant conduite à cette disposition ».

Cette solution n’est pas nouvelle mais vient rappeler qu’en dépit de l’absence de préjudice au sens du Code pénal, l’abus de faiblesse trouve à s’appliquer aux testaments.

 Le code pénal pose trois éléments fondamentaux pour pouvoir caractériser l’abus de faiblesse : il faut qu’il y ait un abus frauduleux d’une personne en état de faiblesse caractérisé par un élément matériel de commission ou d’omission qui soit « gravement préjudiciable à la victime». Reconnaître son applicabilité à la situation de l’état de faiblesse du testateur alors que cet acte n’a d’effet que pour l’avenir, après le décès du testateur qui, ipso ne subit pas de préjudice au sens du droit pénal, permet de sanctionner la situation au civil. En effet, la décision constatant un délit d’abus de faiblesse sur la personne du disposant permet, sur le plan civil, de retenir son impossibilité d’exprimer sa volonté et permet de caractériser l’insanité d’esprit.