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Droit du patrimoine-régimes matrimoniaux et redressement judiciaire

Décision de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 10 février 2015, pourvoi n° 24.650

Un couple, marié sous le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts, divorce. Le jugement de divorce, en date du 10 mars 1992, avait fixé les effets patrimoniaux au 28 avril 1989. La situation était celle d’une indivision post-communautaire comprenant la maison acquise durant le mariage, grâce à un prêt consenti aux deux époux, et occupée par monsieur, lequel avait repris à sa charge les échéances. Dans l’intervalle, l’ex-mari rembourse les échéances et a renégocie les conditions : l’établissement financier lui accorde alors un nouveau prêt, à son seul nom, le 31 mars 1999. En janvier 2011, tandis que le partage de l’indivision n’a toujours pas été opéré, une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’égard de l’ancien mari. La banque assigne alors en paiement du prêt l’ex-épouse.

Il faut savoir que les anciens époux ne parvenaient pas à trouver un accord sur la liquidation du régime matrimonial, et ce n’est que par un jugement du 8 février 2011 que celle-ci est ordonnée et que le juge prononce la licitation de l’immeuble. En janvier 2012, le juge de la procédure collective arrête le plan de redressement et déclare l’immeuble indivis inaliénable. L’ex-épouse introduit alors un recours contre la décision. La cour d’appel fait droit aux demandes de l’ancien mari en procédure de redressement. L’ex-épouse décédée en cours d’instance, un pourvoi est formé à l’encontre de l’arrêt par les héritiers de cette dernière. cassation. La Cour est appelée à se prononcer sur la date de naissance des créances envers le copartageant de l’indivision post-communautaire et, donc, sur l’obligation ou non pour le créancier de déclarer sa créance à l’organe de la procédure collective . Ensuite, la Cour est appelée à statuer sur la question de la charge définitive des échéances relatives aux deux emprunts ayant servi au financement de l’immeuble indivis . Enfin, la Cour doit trancher la question de la compatibilité de l’inaliénabilité prononcée par le juge de la procédure collective avec le principe selon lequel nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision .

Sur la première question, la Cour souligne que la créance de dommages-intérêts avait pour fait générateur le jugement de divorce qui en avait posé le principe et fixé le montant quand l’indemnité d’occupation trouve sa source dans l’occupation par l’époux de l’immeuble et doit-être déclaré dans la procédure collective.
Sur la question du remboursement du mari des échéances des deux prêts ayant servi à l’acquisition de l’appartement faisant partie de la société d’acquêts dont il a assumé la charge, la Cour vient affirmer qu’il doit-être pris en compte pour la liquidation de l’indivision post-communautaire .
Sur le dernier point, la Cour de cassation, censure les juges du fond, en soulignant qu’un indivisaire ne peut se voir opposer une déclaration d’inaliénabilité en dépit de l’irrecevabilité de sa tierce opposition au jugement qui prévoit l’impossibilité d’aliéner le bien, objet de l’indivision. En effet, elle rejette la position de la cour d’appel qui avait considéré que, outre l’irrecevabilité de la tierce opposition en raison de son caractère tardif, seul le débiteur avait le droit de présenter une requête aux fins de mainlevée de l’inaliénabilité (C. com., art. R. 626-31). Ainsi, le principe selon lequel nul n’est tenu de rester en indivision a vocation à s’appliquer même face à une procédure collective et l’inaliénabilité ne peut porter sur l’ensemble du bien dont une partie est appropriée par un tiers à la procédure. La solution contraire serait alors attentatoire au droit de propriété du coïndivisaire et, si inaliénabilité il doit y avoir, celle-ci ne pourra alors porter que sur la quote-part indivise de l’indivisaire soumis à une procédure collective.