DROIT DES ENTREPRISES-LES CONVENTIONS DE MANAGEMENT
30/07/2014 | Brèves juridiques et fiscales
30/07/2014 | Brèves juridiques et fiscales
Les conventions dénommées conventions de services, conventions de gestion, conventions d’animation, d’assistance (management fees), etc. sont particulièrement fréquentes dans les groupes de sociétés. Dans les groupes d’une certaine importance, elles permettent à la société mère de regrouper un certain nombre de services « généraux » et de facturer aux filiales les prestations relatives à l’assistance commerciale, financière, administrative, comptable, juridique, et en matière de gestion des ressources humaines, etc.
Dans les groupes de taille plus modeste, ces conventions ont essentiellement pour objectif de « centraliser » au niveau de la société holding, la rémunération du dirigeant associé majoritaire et de permettre le remboursement des emprunts souscrits pour l’acquisition des filiales.
Outre le chiffre d’affaires qu’elles engendrent pour la société holding tête de groupe, ces conventions permettent à l’associé majoritaire « dirigeant » de choisir son statut (TNS ou salarié : par exemple holding sarl conférant au gérant majoritaire le statut de TNS quelle que soit la forme juridique des filiales) et de déterminer ses mode et niveau de rémunération (salaire ou dividendes) sans que les associés des filiales, minoritaires par hypothèse, n’en soient directement informés…
L’évolution de la jurisprudence est venue tempérer cet engouement à tel point que certains ont pu évoquer la fin des conventions de management.
Dans la 2nde affaire jugée en 2012, une SA avait chargé une EURL (dont l’associé unique gérant était son propre directeur général) des prestations de création et développement de filiales à l’étranger, de participation à des salons professionnels, de définition des stratégies de vente et de recherche de nouveaux clients à l’étranger. La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir prononcé la nullité de cette convention pour défaut de cause3 au motif que la convention de management constituait une véritable délégation à l’EURL d’une partie des attributions du directeur général et faisait double emploi avec les fonctions de décision, stratégie et représentation relevant du mandat de ce dernier : en conséquence elle était dépourvue de contrepartie réelle.
L’intérêt de cette décision résulte notamment de ce qu’elle est rendue sous le visa de l’article 1131 du code civil (droit commun des obligations), sans aucune référence aux règles du droit des sociétés. En réalité, la convention est nulle parce qu’elle organise la fourniture à titre onéreux, de prestations qui relèvent de la direction générale de la société. De ce point de vue, peu importe que la procédure des conventions réglementées ait, par ailleurs, été respectée et que le directeur général ne soit pas rémunéré pour les fonctions dévolues à la société prestataire. Dans l’affaire précitée, la rémunération du directeur général avait été réduite de 40% lors de la mise en place de la convention, ce qui tendait à démontrer que le dirigeant avait bien été déchargé d’une partie de ses fonctions.
La Cour d’appel de Paris a pris plus récemment une décision dans le même sens en annulant une convention de conseil en management, stratégie de développement et de croissance externe, de comptabilité et de gestion conclue par un associé de la SAS avec l’entreprise individuelle de conseil qu’il avait créée.
Certes, ces affaires concernaient des conventions conclues entre des entreprises ayant un dirigeant commun mais sans aucun lien capitalistique direct. Certes également, le problème ne s’était posé qu’à la suite de bouleversements intervenus au sein de la société destinataire des prestations (cession de titres, révocation du directeur général, etc.).
Mais à s’en tenir à la généralité des termes employés et au fondement juridique visé, la jurisprudence précitée est applicable aux conventions conclues entre sociétés d’un même groupe : la question est de savoir si la convention litigieuse porte atteinte ou non aux fonctions de direction générale dévolues au mandataire social, fonctions dont les contours sont dessinés progressivement par la jurisprudence et que le mandataire social ne peut pas transférer.
Dès lors que les conséquences de cette jurisprudence peuvent être graves tant pour la société prestataire5 que pour la société qui a versé les redevances (laquelle pourrait notamment devoir réintégrer les sommes versées dans son résultat imposable6), il convient d’envisager ces conventions avec une grande prudence.
Entre autres désagréments, les dirigeants, bien souvent, communs pourraient être poursuivis pour abus de biens sociaux et les associés pourraient voir la réduction d’ISF ou d’impôt sur le revenu, dont ils ont pu bénéficier, remise en cause.
Il convient de retenir qu’une convention entre une société holding et sa filiale ne doit pas porter sur des prestations relevant de la « direction générale » mais sur des prestations techniques, financières, administratives, commerciales, etc. clairement distinctes des fonctions du mandataire social ; ce qui peut être difficile à établir notamment dans les sociétés de « petite taille » et présuppose a minima que la société holding emploie le personnel nécessaire à l’exécution de ces missions spécifiques.
En pratique, si les seules personnes mises à disposition sont les dirigeants de la holding, la solution la moins risquée, chaque fois qu’elle est possible, consiste à transformer la filiale en Société par actions simplifiée. La société holding est désignée comme présidente 9 et est alors rémunérée pour ses fonctions de mandataire social.
Si la convention prévoit une mise à disposition de salariés de la holding pour l’exécution de prestations techniques (clairement distinctes de la direction générale cf.ci-dessus), ceux-ci ne doivent exercer aucun mandat social dans la filiale (sauf technique du contrat-mandat10) et ne pas être liés à cette dernière par un contrat de travail.
Avant toute prise de décision, il apparaît nécessaire de mener au préalable une réflexion globale qui portera sur l’objet, la rédaction et les conditions d’exécution des conventions existantes.
Dans une première affaire jugée en 2010[1], une SA avait conclu avec une société, dirigée par son propre directeur général, une convention de prestations de services (action commerciale, gestion industrielle et des ressources humaines). La SA avait demandé l’annulation de la convention et la restitution des sommes versées. La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir jugé que les termes de la convention aboutissaient à déléguer à la société prestataire les fonctions du directeur général et à la rémunérer pour des fonctions exercées par le directeur général de la SA. En conséquence, la convention, en l’absence de contrepartie réelle pour la SA, était dépourvue de cause et devait être annulée.
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