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Succession d’une personne PACSée.

LEXPATRIMONIS est régulièrement sollicité pour accompagner ses clients lors de la mise en place d’un pacte civil de solidarité. Alors que la loi autorise une grande liberté dans le choix du contenu d’un pacte, très souvent la première volonté exprimée consiste à opter pour le régime légal. Les personnes concernées ne connaissent en général pas les conséquences d’une option pour le régime légal de l’indivision concomitant à l’adoption d’un PACS. Nous vous proposons ici de voir comment se dénoue l’indivision consécutive à un PACS lorsqu’un des partenaires décède.

Madame P., veuve d’une première union, est décédée, laissant pour lui succéder trois enfants de son premier mariage. Après la disparition de son époux, Madame P. avait conclu un PACS avec Monsieur W. le 1er mars 2007. Ils avaient décidé de soumettre ce PACS au régime légal. Les deux partenaires de PACS exerçaient tous les deux une profession et percevaient des revenus équivalents. Au décès de Madame P., l’indivision résultant du PACS doit donc être liquidée.

Les opérations patrimoniales réalisées par les partenaires sont les suivantes :

  • Le 3 mars 2007, est faite acquisition d’un appartement à Nice d’un montant de 90 000 €.
    Chaque partenaire du PACS a fait un apport personnel de 50 % du prix de vente.
    A la date du décès de Madame P., l’appartement est estimé à 160 000 € et à 190 000 € à la date du partage. Le mobilier, au jour du décès et au jour de partage, est estimé à 20 000 €. Il n’est pas possible au jour du décès de déterminer l’origine des fonds ayant financé l’acquisition des meubles.
  • Le 30 novembre 2017, Madame P. a prêté à Monsieur W. la somme de 70 000 €, lui permettant d’acquérir la moitié indivise d’une villa qu’il s’était vu attribuer dans les successions confondues de ses parents pour une valeur 120 000 €. Au décès de Madame P. et au partage, la villa est évaluée à 360 000 €.

Les opérations patrimoniales de Madame P. sont ainsi constituées :

  • En novembre 1991, elle a reçu dans la succession d’un de ses oncles un studio et un portefeuille titres d’une valeur de 160 000 FF. Elle a fait donation du studio a un de ses enfants, évalué à 100 000 FF au jour de la donation.
  • Le 10 janvier 1993, Madame P. a fait donation à un autre enfant d’une somme de 100 000 FF, provenant de la vente partielle des titres hérités. Ce dernier a acheté un appartement pour la somme de 150 000 FF.
  • Le 18 janvier 2002, Madame P. a hérité de son père un appartement évalué à 100 000 €
  • Le 7 mars 2002, Madame P. a procédé à une donation-partage à laquelle elle a incorporé les donations effectuées en 1991 et 1993. La donation de la somme d’argent qui a permis l’acquisition de 1993 a été comptabilisée dans la donation-partage pour un montant de 100 000 € (deux tiers de sa valeur au jour de l’opération). Le studio donné en 1993 est estimé quant à lui à 100 000 € et le dernier enfant de madame P. se voit transmettre l’appartement hérité par Madame P de son père..

La composition du patrimoine de Madame P. au jour de son décès s’établit comme suit :

  • Parts dans l’appartement de Nice et son mobilier.
  • Un livret A évalué à 16 000 €.
  • Un compte-courant avec un solde créditeur de 4 000 €.
  • Un portefeuille titres évalué au jour du décès à 20 000 €.
  • La créance du prêt accordé à son partenaire de PACS.

Au passif de la succession, est inscrit un montant de 15 000 €.

Madame P. a laissé un testament au profit de son partenaire de PACS, par lequel elle lui lègue l’appartement de Nice, le mobilier et sa créance à raison du prêt consenti pour lui permettre d’acheter l’autre moitié de la villa léguée par ses parents.

Partage de l’indivision :

Les partenaires du PACS avaient opté pour le régime légal de l’indivision, soit pour le régime séparatiste qui s’applique à défaut de dispositions contraires. Sous ce régime, chaque partenaire conserve la propriété de ses biens.

  • Le solde du compte courant ouvert au nom de Madame P., le livret A et le portefeuille sont des biens personnels.
  • La villa léguée à Monsieur W. est pour lui un bien personnel.
  • L’appartement de Nice est un bien indivis puisqu’il a été acquis par les deux partenaires de PACS à parts égales entre eux, comme le mobilier puisque l’origine de son financement n’a pas pu être déterminé. Pour déterminer la valeur de la part de chacun, les biens sont évalués au jour le plus proche du partage.
  • Au jour de son décès, Monsieur W. est redevable d’une créance à l’égard de Madame P. au titre de l’emprunt qu’elle lui a accordé : elle est évaluée à la quote-part de la valeur, au jour du partage de la succession, de la villa léguée par les parents de Monsieur W. que le prêt a permis d’acquérir, soit 7/24ème des 360 000 € auxquels elle est évaluée.

Partage de la succession de Madame P. :

Le partenaire d’un PACS est considéré comme un tiers du point de vue successoral. La loi ne lui attribue par conséquent aucun droit dans la succession. Il est cependant créancier du droit temporaire au logement. Monsieur W. s’est toutefois vu léguer les parts et droits de Madame P dans l’appartement de Nice et la créance relative au prêt accordé par la défunte.

Les enfants se partagent la succession par tiers. Les lots reçus par les enfants dans le cadre de la donation-partage sont pris en compte uniquement pour déterminer le montant de la réserve et de la quotité disponible. En l’espèce, tous les enfants ont bénéficié d’un lot lors de la donation-partage et il n’y a aucune réserve de somme d’argent de l’usufruit d’une somme d’argent : on tient compte en conséquence de la valeur des biens donnés au jour de la donation-partage pour déterminer s’il y a atteinte à la réserve héréditaire.

1° – Calcul de la part des biens indivis revenant à la succession de Madame P. :

Nature des biens indivis Valeur au moment du partage
Appartement de Nice 190.000 €
Mobilier 20.000 €
ACTIF BRUT 210.000 €
PASSIF 0 €
ACTIF NET 210.000 €
Part de chaque indivisaire 105.000 €

2° – Calcul de la créance entre partenaires du PACS :

Créance de la succession de Madame P. sur Monsieur W. à raison du prêt-part de la villa que les deniers prêtés ont permis d’acquérir 105.000 €
Créance de Monsieur W. sur la succession de Madame P. Néant
Solde en faveur de la succession de Madame P. 105.000 €

3° – Calcul de la réserve héréditaire :

Droits dans la valorisation de l’indivision 90.000 €
Solde du compte courant 105.000 €
Livret A 16.000 €
Compte courant 4.000 €
Compte titres 20.000 €
ACTIF BRUT de MADAME P. AU JOUR DU DECES 235.000 €
PASSIF 15.000 €
ACTIF NET 220.000 €
Masse de calcul pour déterminer les droits de chacun (actif net + montant des donations) 520.000 €
Montant de la réserve globale 390.000 €
Montant de la quotité disponible 130.000 €

4° – Calcul des droits de chaque enfant dans les biens restant au jour du décès :

ACTIF NET 220.000 €
A déduire : legs à Monsieur W. (½ valorisation de l’indivision + créance entre partenaires) 195.000 €
Solde 25.000 €
Droits théoriques de chaque enfant dans les droits restant à partager 8.333 €

Chaque enfant a un droit théorique dans la succession de Madame P. de 130 000 € et un total de droits de 108 333 € (donation + parts dans les biens restants). Il manque donc à chaque enfant la somme de 21 667 €. Les legs attribués à Monsieur W. vont devoir être réduits d’un montant équivalent à 65 000 € (3 fois 21 667 €). Le montant à rembourser par Monsieur W. doit être calculé de la manière suivante : 65 000 / 195 000 ème de la valeur de partage des biens légués soit 70 000 € .

5° – Détermination des modalités de partage :

Biens existants au jour du décès 250.000 €
PASSIF AU JOUR DU DECES 15.000 €
ACTIF NET AU JOUR DU DECES 235.000 €
Total légué 210.000 €
Reste à partager 25.000 €
Indemnité de réduction due par Monsieur W. 70.000 €
Total à partager par enfant 31.666 €

 

En conséquence, les enfants se partageront le reliquat du livret A , le compte-titres et l’indemnité de réduction après que les frais funéraires de Madame P. auront été acquittés.